
Au total, neuf éoliennes constitueront ce parc. La trentaine d’hommes de la société Enercon s’y affairent sous les yeux du conducteur de travaux, Mark Bernardelli, et le maire de la commune, Gérard Esnault.
D’ici la fin de l’année, les neuf éoliennes, en cours d’installation, tourneront sur les hauteurs de Boussay, petite commune du sud de la Loire-Atlantique à quelques encablures du Maine-et-Loire. De quoi fournir de l’électricité à plus de 4 266 foyers, soit quatre fois plus que ce qu’elle compte. Un projet environnemental qui a failli ne jamais voir le jour, compte tenu des contraintes rencontrées. Son origine date de 2002.
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« Dans cette histoire, il a fallu être tenace face aux vents contraires ». C’est le conseil, sous forme de métaphore, que donnerait Gérard Esnault, maire de Boussay, à ses homologues qui défendraient le même projet dans leur commune. Le projet date de 2002. Celui qui était alors premier adjoint se souvient de cet appel de la société Valorem qui avait repéré ce long plateau atteignant 110 mètres d’altitude par endroits entre la Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire. Un long espace bocager quasi inhabité en parallèle de la route départementale 149. « Au départ, j’ai cru à une blague de la part de collègues, sourit celui travaillait encore à ERDF. Et puis on a finalement reçu leurs représentants quelques mois plus tard ».
Son maire, le regretté Daniel Labouère, avait été convaincu, comme son élu. Pour en faire autant avec des représentants associatifs, d’autres membres du conseil municipal et du conseil communautaire, un car est même affrété pour aller voir le parc éolien de Goulien dans la commune du Cap-Sizun (Finistère). « Pas de bruit, pas de nuisance visuelle… tout le monde avait adhéré », rappelle Gérard Esnault. Ce qui semblait être une formalité – pas d’opposants au projet ni de recours juridique – va vite devenir un serpent de mer. Si bien même que dix ans après son évocation, le projet a failli être abandonné.
De 14 à 9 mâts
Démarré avec 14 mâts – ce qui en aurait fait le plus grand parc régional -, le dossier avait déjà dû être revu en raison des exigences de l’armée de l’air qui estimait que le parc était dans un couloir aérien. Les éoliennes devaient donc diminuer en hauteur. Ensuite, le projet a dû évoluer en même temps qu’une réglementation balbutiante dans ce domaine. Comme attendre la publication préfectorale d’une ZDE sur le secteur (zone de développement de l’éolien).
Puis est venue l’obligation de sonder divers services de l’Etat : situé en Loire-Atlantique, mais bordant la Vendée et le Maine-et-Loire, les démarches sont triples. Et dans cet amas de dossiers, c’est la Drac (direction des affaires culturelles) qui émit des réserves. « Elle estimait que les éoliennes seraient visibles du château de Tiffauges. Un tas de cailloux appartenant au conseil général de Vendée, situé à 8 km, » peste encore le maire boussiron. Un test-ballon fut ordonné et un bout de l’élément gonflable fut aperçu du haut de l’ancienne forteresse médiévale.

Certains rotors attendent d’être posés sur les mâts qui culminent à 60 mètres de haut. (©Hebdo de Sèvre et Maine)
Le couperet tomba ensuite : le parc devait descendre à 9 éoliennes. Plus la même rentabilité pour l’entreprise. Pendant de nombreuses années, Valorem va donc chercher un repreneur. Une lente quête qui va faire croire à maintes reprises que le projet est paradoxalement à bout de souffle.
Le projet quasi abandonné puis ressuscité
Pourtant, la dizaine d’exploitants et propriétaires ont donné leur avis et le permis de construire n’a plus qu’à être déposé. Finalement, c’est une rencontre entre Valorem et Vendée énergie (société d’économie mixte de production et de distribution d’énergies renouvelables – éolien, photovoltaïque, méthanisation – créée par le syndicat départemental d’énergie et d’équipement de la Vendée, Sydev), puis une relance du maire auprès d’un conseiller départemental, en 2016, qui ont redonné de l’oxygène au projet.
« C’était délicat de ma part. Je suis vice-président du Sydéla (syndicat départemental d’énergie en Loire-Atlantique) et je sollicitais son alter ego vendéen (Sydev), relate Gérard Esnault. Il faut dire que cet organisme a une longueur d’avance sur nous avec 15 ans d’expérience et 7 parcs éoliens créés. Comme ils ont été très réactifs et d’accord, je ne regrette pas car le Sydéla a été obligé de suivre pour le financement. On a même créé depuis une société identique qui porte la centrale solaire de Machecoul ». Le parc éolien de Boussay sera donc bâti sur des fonds publics. A 100 %. 9 millions d’euros ont donc été débloqués pour le projet (dont 60 % par le Sydéla).
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Un chantier de titan
Fin 2018, l’étape de la concrétisation démarrait. L’entreprise internationale allemande Enercon lançait la construction des mâts en acier (en trois morceaux d’une vingtaine de mètres et de 30 tonnes), des pâles et du moyeu en composite, pendant qu’Enedis préparait le raccordement en construisant un poste électrique à Ruffole, à 3 km du parc et en acheminant les câbles par les fossés. Sur site, les accès et les fondations apparaissaient en fin d’année. Une préparation de chantier nécessaire pour accueillir les convois exceptionnels venus de Montoir-de-Bretagne, port où ont débarqué les ensembles venus par bateau d’Allemagne.
Sur les 4-5 km d’emprise, c’est un ballet de grues qui s’organise. Un chantier XXL où il faut une précision d’orfèvre. Les grutiers téléguident ces éléments de mastodonte guidés par des équilibristes à 60 mètres de haut. « Il faut que les éléments météo soient les plus propices. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas de vent à ce moment. Ça se joue à quelques millimètres », indique Mark Bernardelli, conducteur de travaux.
Le besoin de 4 266 foyers
C’est ce qui se joue jusqu’à la mi-septembre sur place. Une trentaine d’hommes sont mobilisés. Tout ça pour que d’ici la fin de l’année, les éoliennes soient mises en service. « Avant novembre cela devrait être bon, » estime le cadre d’Enercon. A partir de ce moment, ce sont 7,2 mégawatts d’électricité qui seront produits chaque année grâce au vent et aux pales qui culmineront à 86 mètres. Soit le besoin de 4 266 foyers, quatre fois la taille de Boussay.
Au-delà de fournir de l’énergie et de participer à l’objectif national, ce parc éolien rapportera de l’argent aux propriétaires fonciers et exploitants des terrains sur lesquels se trouvent les mâts et, au titre de l’Ifer (Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau) , aux collectivités (50 % pour l’agglomération, 30 % pour le Département et 20 % pour la commune). Un ratio que le maire aimerait bien voir évoluer. Mais celui qui s’arrêtera en 2020 devra transmettre le dossier à ses successeurs… avec le souffle qui va avec.