
Didier Vesse est le directeur de la foire d’art contemporain de Lille (Nord) Art Up ! depuis 10 ans. (©Anteale photographe)
Jeudi 28 février 2019 s’ouvre l’édition 2019 de la foire d’art contemporain de Lille (Nord) Art Up !. Lille Actu a rencontré Didier Vesse, son directeur, qui revient sur son parcours, sa passion pour l’art, et l’histoire de ce grand rendez-vous des amateurs d’art dans les Hauts-de-France.
Lille Actu : Dans quelles circonstances s’est développé votre intérêt pour l’art et plus particulièrement celui de votre temps ?
Didier Vesse : Mon intérêt pour l’art est quelque chose de constant depuis mon plus jeune âge. J’habitais en région parisienne et je fréquentais assidûment les musées, le Louvre … les expos. Je collectionnais les timbres mais uniquement sur la thématique art. Quand on me demandait ce que je désirais comme cadeau : je répondais des livres d’art. J’ai toujours été attiré par le volume, la sculpture.
J’ai organisé ma première exposition pour mes camarades du club de dessin dans les couloirs de mon lycée à Antony. J’ai rencontré jeune de grands artistes et personnalités : Folon, Moretti, Vasarely, Prévert, Yves Montand… J’ai visité les studios de la télé, j’ai assisté à la préparation des merveilleuses émissions des Carpentier. J’allais beaucoup au théâtre et je me suis passionné pour la fabrication de décors pour des troupes dans lesquelles j’étais intégré.
Mon attirance pour l’art d’aujourd’hui s’est construite au fil des ans. Que se soit dans mon premier métier de courtier en livres d’art, puis de galeriste pendant 18 ans et, depuis l’an 2000 comme directeur artistique de foires d’art contemporain.
Pourquoi devient-on un jour collectionneur ?
Cela peut être une forme de hasard, d’attirance, d’émotion, de coup de foudre. Cela se fait par étapes. Une rencontre avec une belle estampe, une gravure – cela a été mon cas à l’âge de douze ans dans une librairie à Fresnes – peut enclencher un désir.
Il y a aussi la rencontre avec un artiste, un galeriste qui éveille en vous quelque chose.
Je dirais que dans un premier temps on peut être amateur, puis acheteur et puis on devient collectionneur de fait. Par envie, parfois par addiction, par passion pour un parcours d’artiste, une oeuvre, une forme d’expression.
Que diriez-vous à un jeune qui aurait envie de se lancer aujourd’hui dans les métiers du marché de l’art ?
Je dirais qu’il faut être curieux de tout. S’informer, lire, visiter les expos, les galeries, les centres d’art, rencontrer des artistes, assister à des conférences, des débats.
On peut faire des études si on en a la possibilité. Il faut apprendre à bien se connaitre pour repérer dans sa propre personnalité ce qui vous attire : l’écriture, le discours, la vente, la promotion des autre, l’organisation …. La création elle-même.
Votre avis sur le marché de l’art en France, comment se porte t-il ?
Il n’y a pas un marché de l’art mais de multiples marchés qui se télescopent et n’ont rien à voir les uns avec les autres. Vous parlez des salles des ventes, des ventes en galeries, des ventes dans les salons, les foires, des sites artistiques …. A propos de quels artistes ? Des jeunes, des inconnus, des reconnus, de ceux qui sont décédés et passés à la postérité, des artistes à la mode, branchés …. ?
On ne peut pas faire de synthèse du marché de l’art en soi.
Ceux qui réussissent doivent faire preuve de volonté, de pertinence, de réelle dynamique, de travail, d’ouverture d’esprit pour évoluer et réussir dans ces différents marchés.
En France l’art est devenu à la mode et nécessaire dans tous les secteurs. J’en suis heureux car il porteur de projets pour la jeunesse.
C’est difficile aujourd’hui pour les jeunes artistes d’arriver à vivre de la vente de leurs œuvres ?
Oui, c’est difficile. La production artistique n’est pas un produit de consommation courante. Ce n’est pas uniquement difficile pour certains jeunes mais également pour d’autres générations qui n’ont pas atteint la célébrité. Beaucoup d’appelés, peu d’élus.
Tout est une question également de rencontres avec d’autres artistes, avec des professionnels, d’opportunités. Je pense que la ténacité et la sincérité payent toujours.
Les artistes ont le plaisir et le courage de créer parfois dans des conditions difficiles. Il faut qu’ils aient une forme de foi.
Il faut être à la fois producteur, vaincre son éventuelle timidité, et volontaire pour présenter son travail aux professionnels que sont les galeristes qui peuvent encourager, soutenir et créer le parcours à construire dans un climat de confiance.
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Quelle place une foire d’art contemporain comme Art Up ! a t-elle dans le paysage des foires nationales voire internationales ?
Art Up ! existe depuis douze ans. C’est aujourd’hui une foire importante qui a créée son propre marché. Elle a motivé des publics différents, comme par exemple des entreprises qui s’intéressent à l’art.
Des visiteurs sont devenus au cours des années des amateurs, puis des acheteurs et certains des collectionneurs. Art Up ! a la chance d’être au coeur d’une gigantesque Métropole proche de la Belgique, de bénéficier d’une volonté politique générale de mettre en avant toutes les formes d’art depuis de nombreuses années.
Art Up ! est devenue depuis cinq ans la plus importante foire d’art contemporain en France hors Paris, en nombre de visiteurs et en qualité multiple de l’offre.
La structure Lille Grand Palais organisatrice et productrice de l’événement met tout en oeuvre pour réussir cette foire et lui donner une grande force. Je tiens d’ailleurs à remercier le directeur général actuel et ses prédécesseurs pour leurs implications et la confiance qu’ils m’ont accordée depuis dix ans.
Les équipes d’Art Up ! construisent chaque année une programmation originale dans une ambiance de travail sérieuse, humaine et festive. Notre foire est toujours attendue avec beaucoup d’enthousiasme. Sa notoriété dépasse nos frontières. De plus en plus de visiteurs et de galeries étrangères s’y intéressent.
Êtes-vous content du bilan de la dernière édition d’Art Up ! ?
L’édition 2018 a été très réussie avec un nombre record de visiteurs, une nette augmentation des transactions sur place, et la mise en valeur de la sculpture qui a été particulièrement remarquée.
L’édition 2019 est pleine de surprises. De nouvelles galeries nous rejoignent. La thématique sur la photo plait beaucoup et de nombreux galeristes ont élaborés des projets précis et étonnants.
La foire s’agrandit en surface. Nous abordons un nouveau cap avec de nouveaux partenaires et une programmation dense. La présence de la foire d’art Fotofever à nos cotés renforce la dynamique générale.
Y a t-il des critères de sélection pour les galeries qui participent- à Art Up ! et si oui, lesquels ?
Les galeristes proposent un dossier avec plusieurs artistes. Nous leur demandons d’expliquer leur engagement, leur esprit, la conception de leur métier. Ces dossiers sont regardés par le comité de sélection artistique de la foire qui agit plutôt en terme de conseil pour faire évoluer la foire dans une bonne direction et orienter le galeriste dans ses choix pour une meilleure lecture de son travail et une qualité de présentation de ses artistes.
Pourquoi le choix de faire cette année un focus sur la photo ?
La photographie est un marché complexe. Nos visiteurs souhaitent en voir mais ne sont pas toujours enclin à en acheter. Nous voulons faire évoluer cela.
La photographie est au coeur des créations d’aujourd’hui. Nous voulons rendre compte de la pluralité, de la qualité du medium photo. Art Up ! dressera cette année un panorama vivant de la création photographique actuelle.
Fourchette de prix des œuvres en vente à Art Up ?
Cela varie en fonction des années et des participants. Cependant vous découvrirez des estampes dans les deux cent euros et des œuvres originales pouvant atteindre des milliers d’euros, voire des centaines de milliers d’euros. Des sommes très importantes selon les artistes, leur notoriété, la valeur de leurs oeuvres, leur importance dans l’histoire de l’art contemporain et les valeurs sûres de l’art moderne.
Quels conseils donneriez-vous à un amateur qui voudrait faire son premier achat ?
Celui de prendre le temps de visiter la foire plusieurs fois. Un premier tour assez rapide puis un tour plus concentré. De se laisser porter par son instinct et de se faire confiance. Écouter le galeriste, se laisser imprégner par l’oeuvre, et se dire qu’elle ira forcement chez soi. Ne pas se buter sur la somme à dépenser car le galeriste vous aidera à l’acquérir. Ne pas reporter l’achat à plus tard car cela peut amener de la déception. Se laisser aller au coup de foudre et choisir seul.
Un achat est une histoire très personnelle qui dépend de notre culture, de nos envies, de notre éducation, de notre état.
Acheter des artistes de sa génération, pourquoi pas ? On peut s’offrir dans un premier temps une gravure, une litho, une sérigraphie, un livre d’artiste …
Vos objectifs pour l’édition 2019 ?
Des visiteurs, des transactions en hausse, des rencontres, de la joie, du plaisir du partage. Je souhaite que les artistes impliqués soient fiers d’être représentés par leurs galeries. Et avant tout que les galeristes qui s’engagent sur notre foire aient des résultats financiers sur place, plus tard et tout au long de l’année. Qu’ils rencontrent de nouveaux artistes et qu’ils soient surpris et heureux d’être à nos cotés.
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Propos recueillis par Françoise Objois